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Les registres paroissiaux recèlent parfois
de bien curieuses anecdotes. Dans des registres tenus en latin, on trouve
quelquefois des annotations en français, messages laissés
par le desservant de la paroisse à la postérité.
Mots d'humeur, témoignages d'événements exceptionnels,
voici quelques lignes tracées par nos curés ...
Effroyable mystère médical
L'an mille sept cent cinquante quatre le quatorze Mai
est morte et le jour suivant a été enterrée au cimetière de la paroisse
Claudine Barnod veuve de Bernard Colloud âgée de soixante ans munie des
sacrements plusieurs fois pendant la maladie qui la prendra l'avenir aussi
bien par le passé et le présent ayant eu une tumeur depuis 1747 au ventre
et à coté et qui est resté toujours la même, le ventre lui sauta et les
boyaux sortirent par cette rupture au dessous de la dite tumeur. Le 8
septembre 1747 ses parents firent appeler le même jour le docteur Dessaix
habil chirurgien de Thonon qui après avoir examiné et lavé pendant plus
de deux heures de suite les boyaux et jugea pas a propos de les faire
rentrer dans le ventre quelques jours après cette pauvre femme fit appeler
Marie Dubouloz de cette paroisse et lui fit agrandir le trou avec des
ciseaux et les lui remis dans le ventre et fit ensuite une couture à la
peau du dehors pour les empêcher de sortir de nouveaux mais la nuit suivante
la pauvre défunte senti cette rupture se rouvrir le fil de la couture
se cassa et les boyaux sortir derechef qui depuis le fond toujours sauté
hors de sont ventre, les portants pliés dans ses linges quelle avoit soin
de blanchir elle même pour le faire dans une grande propreté. Le second
juillet 1748 les dits boyaux furent compris sont tous les excréments solides
et autres, ne sortirent que par ce trou par le moyen de ces boyaux rompus,
pendant leur.......elle feroit encore de petits ouvrages, venoit régulièrement
aux offices jusqu'à 14 jours avant sa mort quelle fut alité et ce qu'il
y a de plus surprenant, est qu'a la nouriture n'étoit que du pain de Perette
d'avoine et orge et quelques gouttes d'eau avec du sel et peu de graisse
qui fait toute la soupe des pauvres gens de ce pays.dont elle étoit du
nombre, taut ce que dessus est très véritable et a été vu par un grand
nombre de personnes et surtout de je soussigné entre les mains de qui
elle soupira en lui faisant la recommandation de l'âme et mourut en disant
que rien ne lui fesoit de peine sauf de n'avoir pas assez souffert pur
les péchés en foi de quoi je vais signer .
Germain Curé, curé de Reyvroz

Poussière, tu es poussière
...
Moy qui vis maintenant
Je mourray quelque jour
Et tout ce qui n'ait icy
Doit périr à son tour
Après notre combat
Et toute notre guerre
Nous ne possèderons pas
Plus de six pieds de terre
Claude Longeat, chanoine régulier de St-Maurice, recteur de la paroisse
de Troistorrents
Registre paroissiaux de Troistorrents, décès, 1688

On choisit ses amis ... on
choisit pas sa paroisse !
Dans un misérable village
Ou pour apaiser quatre ou trois cents Rustauds
Homes par les traits du visage
Mais par l'esprit vrais animaux
La seule espèce de langage
Dont il faut être instruit et savoir faire usage
Est le patois afreux que cete gent sauvage
Parle à ses beufs, à ses chevaux.
Registres paroissiaux de Bourg-Saint-Pierre, mariages, env. 1750
Texte publié dans le bulletin AVEG n° 6, 1996

Vilain temps, vilain pays !
Le 24 octobre de l'année dix huit cent vingt
a été pour nous un jour de terreur et de tristes dégâts. La Drance et
Malève, se sont gonflées d'une manière effrayante et n'ont pas tardé à
prouver que les plus petites rivières peuvent devenir de désastreux torrents.
Des pluies continues sembloient nous présager le malheur, que l'on ne
sait pas donné néanmoins la peine de prévoir. L'eau de la Drance et de
Malève, qui rugissent encore d'une manière terrible, dans le moment que
je trace pour la postérité le malheur qu'elles nous ont fait souffrir,
l'eau de la Drance et de Malève dis-je, grossie par les pluies trop resserrées
dans son lit a brisé ses rives et entraîné par la rapide impétuosité ce
qui paraissoit devoir la contenir dans ses limites.
La Drance s'est élevée à une hauteur prodigieuse, tous les ponts ont été
obligés de céder à la violence des flots et sont allés l'offrir aux gueux
de Vongy village de la paroisse de Thonon pour les réchauffer pendant
cet hiver.
Elle a noyé de ses eaux les deux vastes champs de M.M. Barnabé Folliet
et Ballavuard père. Elle a dévoré une partie du terrain de M. Ballavuard
fils et fait disparaître les belles productions du vaste jardin de M.
l'avocat Folliet. Elle a mordu de part et d'autre le terrain, et a étendu
grandement la rapidité de ses flots, naguère renfermés dans des bornes
étroites.
Malèves a eu part à ces horribles conquêtes, et comme il eût été chagrin
que la Drance fit plus de ravages que lui, il s'est répandu sur plusieurs
points pour ravager les deux prés sus nommés son confluent dans la Drance,
qui avoit lieu vis-à-vis la maison de M. Ballavuard fils, il l'a placé
à huit toises au moins plus haut et par là nous a gâté la belle place
de la foire.
Lorsque vous lirez ces tristes détails, peut-être ne la verrez-vous pas
dans cette disposition parce qu'il est à présumer que le temps et le travail
la reconstruiront dans sa première direction. Les mêmes horreurs ont eu
lieu dans toute la vallée …
Je ne suis pas dans le cas d'évaluer les dégâts mais ce qui est sûr c'est
que je ne voudrai pas donner pour dédommager ceux qui ont souffert le
surplus de quatre vingt mille francs. Les richesses sont bien peu de choses
et de bien petite stabilité puisque le terrain leur manque si facilement
sous les pieds. J'ajoute pour la consolation de ceux qui liront ce récit
qu'on n'a pas à gémir que des gens ou des animaux aient péri.
Abondance le 25 du mois d'octobre de l'année mil huit cent vingt
Royer curé
Dans le moment que j'écris ceci la pluie tombe à gros bouillons et les
deux eaux grondent comme hier. Dieu nous préserve de nouvelles calamités
!
Insert : Le 20 octobre 1825, les mêmes désastres que ceux désignés
ci-contre nous sont encore arrivés
Aujourd'hui 3 octobre la terre est recouverte d'un demi pied de neige
qui tombe encore à foison et cependant, un quart et demi de la récolte
est encore à retirer. Quel vilain temps et quel vilain pays !
Abondance, 3 octobre 1823
Royer curé

Pompiers impuissants
An 1800, mercredi 20 août. Jour fatal ! Jour désastreux ! Jour à jamais
déplorable pour notre malheureux village de Vionnaz, à cause du terrible
incendie qui a éclaté tout à coup, environ les deux heures après midi
dans la grange de Joseph Delseth, au bas du village, proche de la maison
de Barthélémy Dufour et de celle de Jean Delseth. Cet incendie a réduit
en cendre tout le village à l'exception d'une maison et demi (celle de
Louis Bressoud et la moitié de celle du dit Jean Delseth), de deux granges
et d'un raccard et cela dans le moins de deux heures de temps, malgré
tant de pompes qui étaient accourues à notre secours, savoir : celle de
Vouvry, de Neuville, de Roche, de Villeneuve et même celle de Vevey, sans
compter celle de Monthey, de St-Maurice.
La perte pour les pauvres habitants est incalculable et pour surcroît
de malheur, quatre personnes ont péri dans les flammes, savoir : Mr Barthélémy
Dufour âgé de 80 ans et alité depuis environ deux ans ; Catherine Fournier
veuve de Jean Claude Guérin mon frère, 70 et quelques années ; Louise
Dépraz femme d'Amé Vanney, âgée d'environ 40 ans et Marie Josèphe fille
de Jean Pierre Guérin, simplâtre, âgée d'environ 18 ans, la seule qui
a été proprement brûlée et réduite en cendres, à peine a-t-on connu quelques
restes du crâne et des plus gros os ; les trois autres ont été suffoqués.
Jean François Guérin, curé
Livre des Confréries de Vionnaz

Paix à son âme
...
L'an mille sept cent quatre-vingt-douze et le 22 septembre est né en Savoye,
Malheur, fils naturel de Crime Gallo-Tigre et de la Monstrueuse Révolution
Française, mariés indissolument à Paris et en Enfer, trois ans auparavant
par le ministère de Lucifer et le suffrage de tous les diables.
ainsi est.
Décédé le 7 Janvier 1816
Blanc Curé

Méli-mélo
Une mauvaise coutume de l'endroit c'est de donner deux et trois noms à
presque tous les enfants, et ne les nommer que d'un seul, de là j'ai trouvé
bien des familles dont les pères et mères ne savent pas tous les noms
de leurs enfants et même leur en donnent qu'ils n'ont pas, ce qui vient
non seulement de la mauvaise coutume de donner tant de noms et de n'en
donner qu'un mais d'une plus mauvaise encore qui est que les noms des
enfants ne sont point du choix des pères et mères mais du choix bizarre
des parrains, entêtés de donner leur nom à leur filleul, de là il se trouve
assez fréquemment deux et trois frères qui ont plusieurs noms et tous
exactement les mêmes, de là les pères ne nomment chaque enfant que du
nom qui leur est le plus agréable et après, souvent, oublient les autres
noms qui n'ont pas étés de leur choix et auxquels ils n'ont fait qu'une
attention passagère.
De là quand il s'agit dans un contrat de mariage ou autre circonstance,
de donner tous les noms d'un enfant, ils donnent ceux qu'il leur paraît
le plus probablement avoir et attribuent le nom de Claude François à celui
qui dans les registres a celui de Jean Claude et vice versa et ensuite,
dans tous les actes, il se nomme d'un nom qu'il n'a pas; de là, si les
pères et mères ignorent le nom de leurs enfants, à plus forte raison et
bien plus souvent, les parrains qui font écrire les registres ignorent
le nom des pères et mères de leurs filleuls d'où il suit une confusion
étrange dans les registres des baptêmes et même des mariages, des vraies
contradictions entre les noms qu'une personne aura dans le registre de
son baptême et celui de son mariage. Dans l'un il s'appellera Jean-François
et Jean-Pierre dans l'autre ce qui n'est pas rare, confusion qui a déjà
occasionné de grands procès avec de très fâcheuses suites.
On éviterait toutes ces difficultés si on perpétuait la coutume que j'ai
commencé à prendre de ne donner qu'un nom à qui que ce soit.
Blanc
Curé
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